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[Marketing Insight] Entretien avec Koussée Vaneecke, Directrice Marketing et Digital chez Comexposium

Ellora Ainadjoglou
Ellora Ainadjoglou Lecture : 8 min - 01 juin 2018

Troisième entretien de la série Marketing Insight, Koussée Vaneecke Directrice Marketing et Digital chez Comexposium revient sur son expérience du marketing BtoC et BtoB et sur les grandes problématiques du digital.

Tu as récemment rejoint Comexposium en tant que Directrice Marketing et Digital. Peux-tu présenter l’entreprise pour ceux qui ne la connaissent pas ?

Koussée Vaneecke : Comexposium est l'un des leaders mondiaux d’organisation d'événements professionnels et grand public, avec plus de 177 événements B2B et B2C dans 30 pays sur de nombreux secteurs d’activité. Comexposium accueille annuellement plus de 3 millions de visiteurs et 45 000 exposants. Je suis Directrice Marketing et Digital d’une des trois divisions du Groupe : la division Retail, Agriculture, Industries & Digital.


Peux-tu revenir sur ton histoire, ton expérience dans les différents postes que tu as occupés au cours de ta carrière ?

KV : J’ai travaillé dans le marketing BtoC pendant un peu plus de 10 ans, d’abord chez Danone puis chez Pernod Ricard. J’ai également monté ma propre boîte, avec une plateforme d’intermédiation dans le BtoC.

À la suite de ces expériences en BtoC, j’ai rejoint Webhelp, acteur de relation client externalisée, en tant que responsable marketing. C’est dans cette entreprise que j’ai effectué un virage vers le marketing BtoB. Je suis ensuite devenue directrice marketing dans un contexte de très forte croissance : à mon arrivée chez Webhelp, nous étions moins de 10 000 personnes, et à mon départ 6 ans plus tard nous étions plus 35 000 employés. C’était un contexte particulier entre structuration des activités marketing et effort important de digitalisation (mise en place d’un outil de marketing automation, industrialisation de la production de contenu, etc).

Après cette expérience, j’ai rejoint en 2017 Cegedim comme Directrice marketing opérationnel et communication avec la mission de lancer toutes les activités digitales. C’est sur cette mission de digitalisation que le président, m’avait recrutée.

 

Comment as-tu vécu ce passage du BtoC au BtoB ? Et à présent de travailler à la fois en BtoC et BtoB ? Quelles sont pour toi les grandes différences ?

KV : Les fondamentaux du marketing restent les mêmes, que ce soit en matière d’identité de marque, de réflexion sur les cibles et d’objectifs.

En revanche, ce qui change beaucoup, c’est la rapidité. En BtoC de masse, on s’adresse à des millions de consommateurs. Il n’est donc pas rare de passer deux semaines à choisir la nuance de jaune d’un packaging, cela a du sens car l’impact de cette décision qui a l’air petite peut être très important en linéaire. Le BtoC de masse permet moins de faire du test and learn.

En BtoB, la rapidité est clé pour se démarquer et capter l’attention. Le plus souvent, l’échelle n’est pas la même en termes de nombre de contacts touchés. Avec le digital, on peut faire de l’A/B testing, revenir en arrière, et s’améliorer en continu. Je trouve que l’on est beaucoup plus dans une philosophie “Vaut mieux fait que parfait”, chère à Sheryl Sandberg.

 

Sur la partie marketing BtoB avec une forte dimension digitale, à quel moment détermines-tu que tu as bien fait ton travail ? Quels sont tes indicateurs de réussite ?

KV : Sur ce côté digital, j’estime que j’ai bien fait mon travail lorsque j’ai réussi à créer quelque chose qui est industrialisable avec des processus éprouvés. Et non pas simplement quelque chose de one-shot.

En parallèle de cette industrialisation, on est évidemment en recherche de personnalisation. En particulier en BtoB, il y a une vraie attente de customisation. Pour être pertinents dans ce que l’on fait, je pense que c’est un marqueur important. De façon à atteindre tous ses clients et prospects, du moins le maximum possible, et de manière la plus personnalisée possible. D’où l’importance de l’automatisation : il est impensable de tout faire manuellement.

Il faut vraiment des choses qui roulent toutes seules, où les gens n’ont pas besoin de se poser des questions tous les jours, en tout cas le moins possible. La réussite consiste à créer des processus internes qui permettent d'industrialiser nos actions marketing.

 

Ce sont aussi des mécaniques qui, au-delà de l’aspect purement quantitatif, constituent de vrais frameworks de travail, des processus qui permettent de délivrer des campagnes et des initiatives ?

KV : Oui, c’est exactement cela. On mise sur l’industrialisation pour faire de la personnalisation. Cependant, dès que l’on réussit à mettre en place cette industrialisation, il faut faire extrêmement attention à ne pas oublier le côté créatif. Parce que dès que l’on met en place des processus, dès qu’il y a de l’industrialisation, on crée également de la paresse parce que les choses roulent « toutes seules ».

 

Une forme de confort ?

KVOui, on crée une forme de confort où le questionnement devient superflu alors que justement le sens des activités marketing c’est évidemment la créativité.

Si je mets en place cette industrialisation, c’est d’ailleurs pour avoir de la place pour de la créativité, me poser de nouvelles questions ou créer de nouveaux formats. C’est important de ne pas l’oublier. C’est loin d’être simple, d’où l’importance de le garder en tête en permanence.
Qu’est ce qui fait que vous allez vous arrêter sur tel ou tel contenu ? Que vous allez vous en souvenir ? Sinon leur côté créatif !

 

Est-ce qu’il y a une logique d’amélioration continue ?

KVJe pense que ça va plus loin que l’amélioration continue. Améliorer la performance d’un scénario de nurturing, booster les taux d’ouverture et de clic, augmenter la conversion… ce sont des points d’amélioration continue que les équipes perdent rarement de vue.

Par contre, la créativité, c’est-à-dire le fait de sortir de sa zone de confort, de se remettre en question de façon plus globale, cela passe plus vite à la trappe. Est-ce que je poursuis les bons objectifs ? Est-ce qu’il n’y aurait pas une façon plus simple, plus efficace de procéder ? Est-ce qu’il n’est pas temps de revoir mon format de campagne ? Ce qui était pertinent il y a un an, est-ce toujours d’actualité ?

 

Disrupter un peu en quelque sorte ? Ce qui ne veut pas dire oublier l’innovation incrémentale, mais plutôt savoir passer à de l’innovation de rupture lorsqu’il devient indispensable de penser différemment, de se remettre en question ?

KV : Oui, exactement ! 

 

Quels sont les challenges que tu rencontres en tant que Directrice marketing évoluant dans un environnement de plus en plus digital ?

KVLa principale difficulté que j’identifie, c’est la nécessité de convaincre du bien-fondé de tes actions au quotidien. Dans la plupart des boîtes, le digital n’est pas encore ancré dans la culture d’entreprise, c’est loin d’être un acquis. Les gens ne sont pas forcément réfractaires au changement, ils ne pensent pas que cela ne sert à rien. Ils sont intéressés mais sans plus.

D’où la nécessité de mener la transformation digitale. C’est ça le grand défi. Cela demande bien évidemment du temps car cela remet en question les modes de fonctionnement, de travail, le regard sur le métier.

L’autre défi, c’est donc de ne pas baisser les bras, d’expliquer encore et encore. Les personnes ne sont pas forcément contre les processus de transformation, ils ont juste d’autres priorités, à commencer par leur charge de travail quotidienne.

 

Il faut apporter de l’énergie.

KVOui. Il faut accompagner le changement au fur à mesure.

Et c’est ce que l’on attend d’un(e) directeur(rice) marketing. Si on ne le fait pas, les sales comme les autres directions se demandent pourquoi l’entreprise ne se modernise pas. C’est toute la contradiction d’une entreprise en transformation : on s’attend à ce que cela soit fait sans toujours consentir les efforts nécessaires.

 

Selon toi, quelles seront les évolutions du marketing dans les prochaines années ? Comment ces sujets vont évoluer au sein des directions marketing et dans les entreprises de manière générale ?

KV : En ce qui concerne les technologies, j’espère que l’on arrivera à établir des ponts plus facilement entre les différents logiciels et applications. On utilise tellement de briques différentes aujourd’hui, cela complexifie le métier. Je n’ai aucun doute que cela va se dé-complexifier dans les prochaines années, que l’on parviendra à tout intégrer de façon plus simple. Les choix technologiques deviennent très lourds et ont des conséquences très importantes.

 

Tu penses à quoi quand tu dis cela ?

KVQuand on met en place un logiciel avec un an d’intégration et ensuite un temps d’acculturation des équipes à l’outil, c’est évident qu’il n’est pas possible de changer de logiciel tous les 2-3 ans.

Et donc de parier sur le mauvais logiciel ou fournisseur de technologie, cela crée un retard considérable par rapport aux autres acteurs, ou tout du moins prive l’entreprise d’un avantage compétitif. Le choix du bon outil et de la bonne techno devient déterminant dans notre métier.

 

Quels sont les critères d’un bon outil ? Qu’il soit facile à intégrer avec l’environnement technologique de l’entreprise, simple d’utilisation et suffisamment répandu ?

KV : Facile à intégrer et à utiliser, c’est certain. Le dernier aspect, c’est l’intelligence artificielle qui permet de mener des analyses prédictives, de à quel moment s’adresser à quelle cible et avec quel message. Je ne crois pas à la démultiplication infinie des messages mais plutôt que le timing sera meilleur.

 

Nous voyons souvent qu’il y a un manque de formalisation au niveau du business. C’est-à-dire que que les entreprises ne connaissent pas forcément toujours très bien leurs cibles. Il leur est donc impossible de connaître les différents leviers à activer à chaque étape du parcours d’achat. Dès lors, il devient difficile de concevoir et d’envoyer le bon message au bon moment. Tu te retrouves dans ce constat ?

KV : Effectivement, par rapport au BtoC, je remarque qu’en BtoB les entreprises mènent très rarement des études pour mieux connaître leurs prospects et leurs clients. Tous les employés de la boîte, en particulier les commerciaux, estiment déjà les connaître. C’est donc à eux que l’on fait appel pour obtenir cette connaissance des personas, pour dire de quoi ils ont besoin, quels sont leurs challenges.

 

C’est toujours un peu informel je trouve.

KV : Oui, c’est souvent très informel. C’est d’ailleurs l’une des premières choses que j’ai faite quand je suis arrivée chez Webhelp et que je venais du BtoC. Je les ai convaincus de faire une étude qualitative de taille importante (40 interviews clients et 20 interviews de prospects, d’1h30 chacun).

Grâce à ces analyses « impartiales », on n’est plus dans un ressenti interne mais une réalité factualisée. Cela nous avait réellement permis à l’époque d’affiner le positionnement de la marque. Cela avait par exemple modifié notre manière de nous adresser à nos trois segments de clients quand nous leur proposions nos services. C’est la réelle jonction BtoB-BtoC. Le BtoB est le parent pauvre des études.

 

Finalement, on automatise des sensations plus que des faits avérés. À être dans l'à-peu-près, nos messages perdent de leur pertinence.

KV : Ce qui veut dire a contrario que, grâce à la data et aux réponses de clients, on pourra obtenir une image proche de la réalité. Finalement, ce qui ne ment pas ce sont les données.

 

De quelle manière t’informes-tu sur le marketing B2B et son écosystème ? Comment fais-tu la part des choses ? Comment restes-tu à la page sur ces sujets-là ?

KVConcrètement je fais partie d’un réseau de marketeurs BtoB du logiciel, l’un des secteurs les plus avancés en la matière. Nous sommes sans cesse à la recherche de nouvelles technologies et d’entreprises qui réussissent.

Je note les exemples qui me paraissent très en avance, que je trouve leaders dans leur manière de faire du marketing. Je suis ensuite particulièrement à l’écoute de ce qu’ils font, j’ai quelques références dans ce domaine. Azalead – nouvellement Jabmo – par exemple. Je trouve qu’ils sont vraiment disruptifs dans la manière très ciblée dont ils pensent leur propre marketing, avec leur CMO Stéphanie Kidder. Microsoft, également. Sébastien Imbert, le Directeur France, implémente toujours les outils avant tout le monde. Je suis très preneuse des avis qu’il donne sur les différents outils du marché.

Ensuite, je lis évidemment les journaux. Je suis abonnée à la newsletter ContactDistance, qui est vraiment très bien. Elle évoque les dernières innovations en matière de marketing et de relation client. Ce sont des news très brèves, mais à force de les lire chaque jour, on discerne les grandes tendances de demain. Il y a les classiques de la presse marketing et bien sûr les salons comme E-commerce One to One Monaco, IMedia Brand Summit Biarritz ou encore Paris Retail Week.

 

Un dernier mot ?

KV : Ma conviction est que l’avenir du marketing réside dans la personnalisation, permise par l’IA et les analyses prédictives. Proposer des scénarios personnalisés en fonction des tendances observées, du comportement passé des prospects et clients, cela existe déjà un peu, mais on attend encore de le faire facilement et en cassant les silos technologiques.

 

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